La saga d'Hadès - Tome 01 : A game of fate

La saga d'Hadès - Tome 01 : A game of fate

Scarlett St. Clair




Chapitre I



Hadès





Hadès se tenait devant une ferme en proie aux flammes dont il ne restait plus que la structure, le squelette de la maison qui se dressait à cet endroit avant l’incendie. Les flammes continuaient de la ravager, remplissant la nuit de fumée et de cendres. ? ses pieds s’étendait le corps sans vie d’un vieil homme, le fermier qui avait vécu là. Son dos était criblé de balles et son ?me flottait à quelques pas, sans savoir qu’elle avait quitté son enveloppe physique, affairée à ce qui devait être sa routine nocturne. C’était habituel pour tous les humains qui mouraient de fa?on soudaine.

Le vieil homme ne l’avait pas vu venir.

Non pas qu’il aurait pu s’en douter. La seule chose dont ce fermier était coupable était d’avoir vu l’Ophiotauros, un monstre mi-taureau mi-serpent qui, d’après la prophétie, avait le pouvoir de tuer les dieux. Quelqu’un en avait eu vent et avait rendu visite au fermier, lui faisant croire que les autorités l’envoyaient. Quand cette personne avait obtenu les renseignements qu’elle voulait, elle avait tué le vieillard.

Hadès sentit la magie de Thanatos s’élever près de lui alors qu’il se manifestait, telle un rai d’ombre qui se fondait dans la nuit. Même ses cheveux et son visage p?les reflétaient les flammes.

Aucun d’eux ne parla, il n’y avait rien à dire. Ils ne pouvaient rien faire à part guider l’?me du fermier aux Enfers. Quand il serait installé à Asphodèle, il pourrait peut-être les informer sur l’identité de celui qui l’avait tué, mais Hadès craignait qu’il soit trop tard. D’ici-là, d’autres mortels auraient vu l’Ophiotauros et celui qui recherchait le monstre laisserait une tra?née de cadavres dans son sillage.

— Ce sont ces morts qui m’endeuillent le plus, dit le dieu de la Mort.

— Les meurtres ? demanda Hadès.

— Il n’avait pas longtemps à vivre sur cette terre, et sa vie lui a tout même été ?tée.

Hadès ne répondit rien, mais il était d’accord.

La mort du fermier n’était pas nécessaire. La seule information utile qu’elle pouvait offrir était que l’Ophiotauros était bien vivant ; or il y avait d’autres manières de vérifier cette rumeur, qui n’impliquaient pas le meurtre.

Hadès trouverait le coupable, et son ch?timent serait immédiat et adéquat.

Il détourna les yeux de l’incendie et se concentra sur l’?me du fermier, qui essayait désormais d’entrer dans la grange en flammes, sans doute pour atteindre les animaux qui s’y trouvaient. Mais il était déjà trop tard.

— Apporte-lui la paix, dit Hadès.

? ce stade de sa longue vie, il n’éprouvait pas souvent de compassion pour les morts mais, dans des moments comme celui-ci, quand la cruauté humaine était aussi flagrante, le fait d’accorder du répit était un fardeau qui pesait lourd sur ses épaules.

Thanatos hocha la tête et étira ses ailes en se dirigeant vers l’?me.

Hadès quitta les lieux et traversa le vaste champ qui s’étendait au-delà de la ferme, loin des lueurs rougeoyantes des flammes.

Au-dessus de lui, les étoiles brillaient si fort qu’elles projetaient des ombres, la sienne étant la plus grande parmi les brins d’herbe enneigés. Il faisait un froid glacial, alors que c’était l’été. C’était un cadeau inopportun de Déméter, déesse de la Moisson.

Les co?ncidences n’existaient pas.

La tempête avait commencé quand il avait officiellement demandé Perséphone en mariage et qu’elle avait accepté. C’était une déclaration de guerre de la part de Déméter, et l’arme qu’elle comptait employer pour les séparer. Si quelques gouttes gelées pouvaient para?tre insignifiantes, ce n’était que le début d’une vengeance bien pire encore.

Il y aurait des morts. Ce n’était qu’une question de temps. Et quand cela arriverait, Perséphone se battrait-elle pour leur amour ou bien céderait-elle à sa mère pour sauver le monde ?

Il détestait pencher pour la deuxième option.

Il se rendit compte que c’était une situation horrible, impossible même. Si Déméter aimait réellement sa fille, elle ne lui imposerait pas ce choix.

Hadès pensait à tout cela en étudiant le ciel et les constellations. Parmi les croquis qu’elles dessinaient, il vit le Cète, le monstre marin tué par Héraclès, ?richthonios, le héros grec qui avait été élevé par Athéna, Ariès, le bélier doré dont la laine pouvait guérir toutes les créatures vivantes, et Orion, le chasseur qui avait osé défier Ga?a. Cependant, le Taureau, la constellation placée au milieu des autres lors de la mort de l’Ophiotauros durant la Titanomachie, avait disparu.

C’était la preuve qu’Hadès cherchait. Ce qu’Ilias avait dit était vrai ; le monstre avait été ressuscité. Ce n’était pas qu’il ne l’avait pas cru, mais les rumeurs n’étaient pas forcément vraies.

— Putain de Moires ! grommela-t-il.

Et il avait raison de les maudire car c’était Lachésis, Clotho et Atropos qui avaient ressuscité le monstre, même si Hadès savait qu’elles l’avaient fait après que lui-même avait tué Briarée, l’un des Hécatonchires – ces géants aux cent mains qui avaient aidé les Olympiens durant la Titanomachie. Héra, la déesse du Mariage, avait saisi l’occasion de se venger du géant qui avait aidé Zeus à se libérer quand elle, Apollon et Athéna avaient tenté de le renverser.

? Une ?me contre une ?me ?, disaient les Moires.

Sa poitrine se comprima en se rappelant la mort de Briarée. Celui-ci n’avait exprimé ni tristesse ni colère, et ne l’avait pas supplié de l’épargner, acceptant paisiblement sa mort. Peut-être était-ce le pire, la confiance que le géant avait eue en Hadès, qui l’avait poussé à croire que son heure était venue, et pas que sa mort avait été ordonnée par un autre dieu.

Et même quand Hadès avait pris la main de Briarée pour extraire son ?me de son corps, comme une tranche d’ombre détachée des ténèbres, il avait su que les conséquences iraient bien au-delà de ce que les Moires étaient capables de tisser. Car dès que Zeus et les frères de Briarée, Cottos et Gygès, apprendraient ce qu’Hadès avait fait, le dieu des Morts perdrait leur soutien et leur allégeance – même s’il n’avait jamais pensé que les frères géants le choisiraient plut?t que Zeus. Ce n’était pas lui qui les avait sauvés des ténèbres du Tartare. Ils avaient néanmoins été des alliés des Olympiens dans la guerre contre les Titans et ils les avaient aidés à pourchasser les dieux primordiaux dans les profondeurs du Tartare. Cela signifiait que si Hadès se trouvait opposé à Zeus, ce qui arriverait forcément, surtout maintenant qu’il était fiancé à Perséphone, il ne bénéficierait pas de l’aide des deux géants restants, et il ne pouvait pas leur en vouloir.

Hadès avait récompensé leur loyauté par une exécution.

*

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